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A mesure que se développe le trafic sur les autoroutes de l'information, le besoin se fait de plus en plus précis pour de nouveaux investissements en vue,
notamment, d'accompagner le développement de l'offre en bande passante.
Derrière les solutions envisageables à ce problème, se profile l'hypothèse d'une sérieuse remise en cause du principe de la neutralité de l'accès à Internet.

Un rapide tour d'horizon des pistes actuellement en discussion dans les grandes métropoles consommatrices de contenus  multimédias en réseaux, laisse poindre une sérieuse option pour le recours  à des solutions qui, le moins que l'on puisse craindre est, qu'à terme elles remettent en cause le principe de la neutralité  car introduisant un recours à des systèmes de paiements qui finiraient par   créer des voies de bande passante  plus rapide, parce que payante, donc excluant les utilisateurs incapables de se les offrir. L'équation est, il est vrai, claire et inévitable : selon l'Idate (Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe), alors que le trafic Internet augmente de 10% par an, la consommation de vidéos en ligne progresse au rythme de 100% par an. Or, les capacités du réseau en  bande passante n'ont progressé "que" de 68% l'année dernière.
Ce sont les tentatives engagées par des opérateurs de l'Internet, soucieux d'apporter des réponses techniques, économiquement viables, à cette problématique,  qui ont placé  le débat sur la scène publique. Durant les dernières élections présidentielles américaines, la question a même figuré parmi les thèmes de campagne, à l'image du président élu,  Barack Obama, qui s'en est tenu au principe de la neutralité "Lorsque les opérateurs commencent à donner des privilèges à certains sites web et à certaines applications par rapport à d'autres, les voix les plus faibles se font écraser, et nous tous y perdons", affirmait Obama pendant la campagne électorale... sur le campus de Google. La presse américaine rapporte que le président élu serait beaucoup plus flou dans ses déclarations les plus récentes.
Il y a quelques années déjà, commençait aux Etats-Unis d'Amérique un véritable chassé- croisé de positions à travers lequel se mettaient en opposition des cercles officiels mus par des lobbies liés aux réseaux multimédias.  Pressée par l'industrie de lui lâcher la bride en matière de facturation de services, la FTC (Federal Trade Commission) a maintenu une attitude favorable à la neutralité de l'Internet, et invité régulateurs et police fédérale à rester prudents.
Or, certains acteurs du Web ne l'entendent pas de cette oreille et souhaitent que la facturation soit liée au service ou au débit. Par exemple, le débit d'accès à un site Web pourrait être différent selon ce que l'utilisateur paie? Plus il paie, et plus le taux de débit sera important !
Un point de vue rejoint par une position des parlementaires américains qui dans le même temps ont versé un peu dans le moulin de ces opérateurs. La Chambre des représentants a en effet rejeté, durant la même période, en 2006, à 269 voix contre 152 un amendement proposé par les démocrates modifiant le projet de loi Cope (Communications Opportunity, Promotion and Enhencement). Cet amendement avait pour but d'encadrer le principe de neutralité sur Internet en ne conditionnant pas la qualité de l'accès au volume de contenu diffusé.
A l'origine, le Cope Act doit permettre une installation plus généralisée et facilitée du haut-débit, entre autres, aux Etats-Unis. Il comporte un nombre de points traitant de la neutralité d'Internet jugé suffisant par les républicains et les équipementiers.
Le point en débat : la proposition de deux rands opérateurs américains, At&T et Bellsouth, de monnayer la vitesse des débits pour améliorer la rentabilité de leurs investissements, en infrastructures réseaux haut débit. Concrètement, il s'agit de taxer les diffuseurs de contenus les plus gourmands en bande passante. Ceux qui ne payent pas verraient alors leur bande passante se réduire. Un Internet à deux vitesses en quelque sorte.
Les inquiétudes n'ont pas gagné que les équipementiers puisque même les opérateurs du net, soucieux d'offrir des capacités de circulation des fichiers plus rapides,  se sont engagés dans des voies qui ont accentué les craintes d'une sérieuse sélection par l'argent.
Le géant Google n'a-t-il pas été accusé de « tourner le dos au principe de Net Neutrality  (neutralité du Net) » ? Une question ouvertement  posée par le Wall Street Journal suite à l'annonce officieuse de négociations entre le moteur de recherche et des opérateurs téléphoniques et du câble, visant à faire héberger des serveurs Google directement sur les réseaux de ces opérateurs. Selon le quotidien, si ces négociations débouchaient sur un accord, Google abandonnerait un des piliers de la neutralité                          du Net : la non-préférence envers un opérateur ou un autre pour la transmission des données.
Piqué au vif par l'article du journal, Richard Whitt, conseiller pour les télécoms et les médias de Google à Washington, a répondu sur son blog : s'il concède que le moteur de recherche compte bien placer des serveurs de cache chez les opérateurs, il ne voit pas en quoi cela violerait la neutralité du Net. « Tous les accords de colocation de Google avec les FAI (fournisseurs d'accès à internet) - que nous avons menés via des projets appelés OpenEdge et Google Global Cache - sont non exclusifs, ce qui implique que d'autres entités peuvent bénéficier du même type d'arrangement » explique-t-il. « De plus, aucun de ces  FAI ne réclame (ou n'encourage) que le trafic de Google soit traité prioritairement par rapport à d'autres trafics. »
Richard Whitt poursuit en affirmant que cela ne change en rien la position de Google sur la neutralité du Net, un principe auquel « Google reste solidement attaché ».
Il explique aussi que ces accords de colocation avec les opérateurs ne visent qu'à améliorer le temps de chargement des pages depuis leurs serveurs, en particulier pour le téléchargement et le visionnage de vidéos, et à éviter la redondance sur les noeuds de réseaux. En effet, ces serveurs de cache seront utilisés pour mettre rapidement à disposition des abonnés des câblo-opérateurs et fournisseurs d'accès internet à haut débit, les pages et vidéos les plus demandées par les internautes.
En dépit de ces déclarations, il est néanmoins légitime d'avoir des craintes sur la manière dont pourraient être utilisés ces serveurs de cache : diriger les internautes vers certaines pages au détriment d'autres. Une autre menace que, de l'avis de certains observateurs,  Google et les FAI pourraient faire peser sur le principe de neutralité du Net
Au plan technologique, doucement mais sûrement, des solutions sont en voie d'expérimentation.
Début juin, Time Warner a ainsi mis en place une tarification selon la bande passante utilisée : 20$ par mois pour 5 Go, 55$ pour 20 Go et 65$ pour 40 Go, avec un dollar supplémentaire par Go au-delà.
Comcast, le plus gros fournisseur d'accès par le câble aux États-Unis, a embrayé en testant des techniques de mesure de trafic plus pointues en Pennsylvanie et en Virginie, après avoir fait l'objet d'un procès pour interruption de téléchargement. L'objectif est de limiter la bande passante pour les gros utilisateurs, et peut-être de surtaxer le 1% d'entre eux qui utilisent plus de 250 Go par mois.
Des problèmes de capacité vont de toute façon se poser sur le réseau à plus large échelle quand on sait que par exemple, Skype avec largement plus de trois cents millions d'utilisateurs en voit déjà près du tiers utiliser la vidéo sur IP pour communiquer - avec les implications en termes de bande passante.
La nouvelle technologie, DOCSIS 3.0 (50 Mbits/sec et jusqu'à 160 à l'avenir), que Comcast souhaite mettre en place pour 20% de ses utilisateurs permettra-t-elle de faire face (entre autres possibilités) ? Les infrastructures devront de toute façon suivre à tous les niveaux et ça, ça n'est pas gagné d'avance. Aux dires de certains observateurs, l'usage même de l'Internet, un réseau absolument pas prévu à l'origine pour tout ce qui s'y pratique aujourd'hui, risque de s'en trouver modifié.
Pour de nombreuses personnalités de la communauté du Web, Vint Cerf (co-inventeur du protocole TCP/IP) en tête, il est acquis, "l'Internet ne sera plus jamais le même".
K.T

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